Les grandes manœuvres

Bordeaux (FR) – Mentionné

DONNÉES DE L’ÉQUIPE

Représentante d’équipe : François Dantart (FR) – architecte ; Associés: Delphine Courroye (FR), Eva Januel (FR), Aurélien Le Roux (FR), Marcel Malhère (CV), Silvia Pianese (IT) – architectes ; Romain Marten (FR) – ingénieur-architecte

43 rue Grande Biesse, 44200 Nantes – France
+33 6 01 80 94 75 – contact@lesgrandesmanoeuvres.fr – www.lesgrandesmanoeuvres.fr

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F. Dantart, E. Januel, R. Marten, S. Pianese, M. Malhère, D. Courroye & A. Le Roux

 

INTERVIEW
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1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours?

L’équipe s’est constituée à l’occasion d’Europan 13. Les sept membres sont architectes et présentent des profils différents : ingénierie, urbanisme, programmation, patrimoine et scénographie. Nos approches et nos sensibilités respectives ont enrichi la réflexion et nous ont permis de répondre à la complexité des enjeux urbains et architecturaux liés au site de Bordeaux.

2. Quelle est la problématique principale du projet et comment avez-vous répondu à la question centrale de la session : lʼadaptabilité à travers l'Auto-Organisation, le Partage et/ou le Projet (Processus) ?

Située sur la rive droite de la Garonne dans le prolongement du pont de pierre, la caserne des pompiers est un ensemble architectural moderniste remarquable. Emblématique du quartier de la Benauge, elle reste méconnue des Bordelais. Inscrite aux Monuments Historiques, la caserne est un des rares éléments de permanence dans un contexte en profonde mutation.
En vue de leur départ définitif, les pompiers ont déjà commencé à désinvestir certains bâtiments. Cette situation permet d’envisager une ouverture immédiate du site et de mettre en place une stratégie de réappropriation progressive de la caserne. Le but est simple : révéler le lieu et sa vocation collective.
Le processus démarre modestement en associant les acteurs du quartier de la Benauge (mairie de quartier, pompiers, habitants, associations, entreprises innovantes) et s’accélère ensuite pour proposer des équipements et services à l’échelle métropolitaine (marché, hôtel, terrasse panoramique) conçus en partenariat avec des investisseurs privés. Nous envisageons une programmation flexible et adaptée aux capacités des bâtiments. L’association « les Grandes Manœuvres » coordonne les différents acteurs dans un cadre participatif et mène toutes les étapes de la transformation depuis le financement jusqu’à la mise en œuvre.

 

 

3. Comment la problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?

Dès le début de notre réflexion, nous avons perçu la force de l’ensemble de la caserne et l’importance de chacune de ses composantes, aussi bien des espaces libres que des bâtiments. D’où le choix de conserver son intégrité comme nouveau point de départ.
À l’échelle urbaine, la figure de l’enclos est devenue le levier pour la découverte d’un site exceptionnel : nous sommes partis du vide de la cour pour créer un monde intérieur inspiré de l’univers des pompiers et avons ouvert la caserne sur le quartier grâce à un parvis et un toit panoramique accessible à tous offrant une vue sur la ville.
Le projet s’appuie sur la richesse formelle d’une architecture fonctionnaliste spécialisée pour y introduire une série de nouveaux programmes compatibles qui exploitent de façon réversible les atouts de l’existant sans le dénaturer.

 

 

4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment ? Quels ont été les projets références pour le vôtre ?

Nous avons déjà travaillé individuellement sur la mutation de sites comparables et d’intérêt patrimonial comme un ancien hôpital, des installations portuaires et un site minier comportant tous des éléments classés ou inscrits Monuments Historiques.
Au-delà de nos travaux personnels, plusieurs références d’interventions architecturales et urbaines nous ont inspiré. La ville de Berlin offre de nombreux exemples d’adaptation et de reconquête de sites emblématiques parmi lesquels le Bikini figure comme une opération modèle : construit en 1957, cet ensemble moderniste a été transformé en un pôle tertiaire et commercial avec une offre de programmes variés et pertinents. Autre exemple, dans la vallée de la Ruhr, l’ouverture au public du site minier de Zollverein révèle un territoire de manière spectaculaire. Ce patrimoine industriel est devenu un monument vivant grâce à une intervention architecturale minimaliste et réversible donnant accès au bâtiment principal.
Enfin, à Nantes, la métamorphose des anciens chantiers navals en parc urbain relève d’un processus ambitieux conduit sur le long terme. La reconquête de cette énorme friche, symbole douloureux de la désindustrialisation du port, est le résultat d’une synergie entre le site et ses nouveaux usages qui a fait de ce quartier autrefois déserté le cœur de l’animation nantaise ainsi qu’une attraction touristique majeure. Le travail sur la mémoire des lieux à travers la mise en valeur des éléments marquants du paysage fluvial et des aménagements des quais a été doublé ici d’une programmation culturelle et ludique totalement innovante. Puisant leur inspiration dans les romans de Jules Vernes et dans le savoir-faire de l’industrie navale, les créations fantastiques des Machines de l’Île ont su réinventer l’imaginaire nantais. L’espace public devient une scène dans laquelle évoluent ces créatures géantes, véritables « meubles urbains », dialoguant avec l’architecture industrielle qui les a vu naître et les abrite.

 

 

5. Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbanoarchitectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus ?

Le projet Les Grandes Manœuvres établit un processus réversible fondé sur le développement durable au sens large. Pragmatique et économe dans les moyens mis en œuvre, il se construit autour de l’existant sans rien démolir et fédère tous les acteurs autour d’une vision commune d’un lieu ouvert à tous.
L'appropriation des lieux se fait de manière progressive en limitant les risques et les pertes. Le mobilier urbain co-construit avec les riverains vient d’abord animer la cour, puis se greffe sur l’existant pour révéler et démultiplier ses capacités. Ce processus souple et incrémental monte en puissance dans le temps par la mise en réseau des acteurs et des initiatives.
Le projet se développe dans la même temporalité que le futur quartier Garonne-Eiffel. Ce mode de fabrication de la ville rompt avec une vision figée de l'architecture et laisse toute sa place à l'imprévu en créant les conditions propices à l’émergence d’un lieu attractif à l’échelle de la métropole.

6. Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?

Il s’agit de notre première participation à Europan. Ce concours représente pour nous une chance unique de se confronter à des sites hors normes et d’élaborer une pensée originale sur l’architecture et la ville. C’est aussi l’occasion de travailler avec une maîtrise d’ouvrage qui a démontré sa compétence face aux enjeux du développement de la métropole bordelaise. En tant qu’architectes, cette expérience nous démontre aussi l’intérêt d’explorer de nouvelles voies en dehors du champ traditionnel de la maîtrise d’œuvre.