Métacentre : l’émergence d’un territoire jardin
Saint-Herblain (FR) – Lauréat
DONNÉES DE L'ÉQUIPE
Représentant d'équipe : Jean-Rémy Dostes (FR) – architecte urbaniste ; Associés : Nicolas Beyret (FR) – architecte ; Claire Jeanson (FR) – architecte urbaniste ; Gabriel Mauchamp (FR) – paysagiste urbaniste
Collaborateurs : Paul Jaquet (FR) – architecte ; Antoine Pinon (FR) – architecte urbaniste
Atelier Chuck, 65 rue Servan, 75011 Paris – France
+33 6 89 14 11 48 – contact@atelierchuck.com – atelierchuck.tumblr.com
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G. Mauchamp, J.-R. Dostes, P. Jaquet, A. Pinon, N. Beyret et C. Jeanson
INTERVIEW
1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours?
Les 6 membres se sont rencontrés, pour la plupart, dans le cadre d’une même agence parisienne. Le projet Europan est né d’une envie forte de collaborer et de confronter nos idées et méthodes de travail en dehors du cadre professionnel et hiérarchisé des agences. Non sans difficultés, nous avons vite senti que nos caractères, discours et compétences pouvaient être complémentaires et former une association détonante.
Parce que nous partagions des convictions urbaines similaires, mais également une envie de trouver des temps de réflexion libérés des contraintes du marché (devenues particulièrement complexes pour les jeunes architectes et urbanistes), nous avons décidé de créer « Chuck » ; plus qu’un credo, une plateforme d’échange, une idée de ville, une incitation à se réunir en parallèle de nos parcours respectifs.
Le choix de Saint-Herblain s’est effectué par conviction mais aussi par défi. Le sujet de l’adaptabilité de l’habitat diffus (individuel ou pavillonnaire en particulier) nous paraissait être un sujet d’avenir encore peu exploré, au-delà des stratégies BIMBY par exemple. D’autre part, l’équipe a élu Saint-Herblain comme le site nous laissant dans la plus grande perplexité. Nous n’avions aucunes réponses « à priori », c’est ce qui nous a plu !
2. Pouvez-vous définir la problématique principale de votre projet, en insistant sur votre manière de répondre à la question centrale de la session : lʼadaptabilité et les rythmes urbains ?
Preux est une cité-jardin des années 80 soumise à la perte progressive des « qualités utopiques » ayant fait sa renommée (mixité, qualité de vie villageoise) et confrontée à diverses pressions urbaines : infrastructures routières et commerciales, transports en commun…
Nous avons rapidement fait le constat qu’aucunes réponses satisfaisantes n’émergeraient du quartier lui-même et qu’il fallait sortir des logiques sectorielles, changer d’échelle, considérer un territoire plus large, plus complexe, plus riche. Nous avons alors imaginé à la manière d’un écosystème biologique, que l’adaptabilité du territoire serait liée à sa faculté de complexification et diversification sur le long terme.
Élargi à l’échelle de l’ensemble des territoires périphériques de l’agglomération Nantaise, le projet consiste à imaginer un dialogue et des entraides entre les grandes entités monofonctionnelles tels que les centres commerciaux, universités ou zones d’activités (les catalyseurs urbains) et les quartiers fondés autour d’un centre unique et isolé (les quartiers centripètes) permettant la construction progressive de territoires complexes supports de projets communs : les Métacentres.
3. Comment cette problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?
S’agissant d’un quartier déjà primé et constitué, la question posée par la Ville de Saint-Herblain nous paraissait principalement tournée autour de la (ré)adaptation du quartier à son nouveau contexte et aux défis de demain.
Nous avons essayé de montrer que le territoire possède déjà les clefs de sa propre adaptation et articule des tissus urbains très contrastés. Il s’agit d’un territoire inouï, doté de grands axes routiers, de convergence de transports en commun, d’un centre commercial et équipements d’échelle régionale, de corridors écologiques… c’est une chance ! Le territoire autour de Preux a la capacité d’incarner un véritable changement, un laboratoire urbain, une possibilité de faire la ville autrement. Le projet propose alors de combiner deux approches : « par le haut », très stratégique, à l’échelle métropolitaine, et « par le bas », phasée et négociée, en s’appuyant sur les forces existantes du site.
4- Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment et pourriez-vous présenter quelques projets références pour le vôtre ?
Travailler sur l’adaptabilité nécessite un investissement initial, un pari sur le long terme souvent peu compatible avec le temps électoral ou celui de la promotion immobilière, mais constitue une réelle et récente prise de conscience accentuée par les difficultés économiques du logement.
Nous sommes plusieurs à travailler depuis quelques années pour l’ANMA sur la notion « d’urbanisme négocié » (PAE des Bassins à flot à Bordeaux notamment). Cette idée marque un bouleversement des méthodes et pratiques de l’urbanisme qui contribuent à rendre la ville plus adaptable : organisation en Ateliers, notion de plan guide évolutif, intégration des acteurs (propriétaires fonciers, promoteurs, services techniques…) en amont et construction d’une culture commune du projet, etc.
La question de l’adaptabilité a également été abordée de manière plus prospective, par certains membre de Chuck, avec notamment le projet « Adaptable street » : une réflexion sur le potentiel évolutif des grandes infrastructures souterraines (parkings, métro, réseaux..), supports de nos métropoles. Projet primé au concours « Designing Adaptable Futures » organisé par groupe de recherche « Adaptable Futures » de l’Université anglaise de Loughtborough, qui travaille depuis plusieurs années sur ces nouvelles problématiques contemporaines et qui a donné lieu à des cycles de conférences, des concours et des workshops auxquels Chuck a participé.
Ou encore à travers une étude pour la région Île-de-France (Ateliers de création urbaine autour du SDRIF) qui s’interrogeait sur les futurs possibles en 2030, nous avons développé une réflexion sur la constitution « d’Espaces Publics Métropolitains » de grande ampleur. Ces territoires tiraient « les leçons du Bois de Vincennes », un espace doté d’une capacité d’adaptation phénoménale et de conservation de valeur urbaine. Permettant alors de réfléchir différemment à l’évolution des grands espaces des arrières ou des entre-villes (entrelacs d’espaces agricoles, d’activités, friches et réserves foncières…)
5- Aujourd'hui, à l'ère de la crise économique et du développement durable, le projet urbano-architectural doit repenser son mode de fabrication dans le temps ; de quelle manière avez-vous intégré la question du projet processus?
Plus nous dessinions et plus nous avions l’impression de figer un projet et ainsi un devenir du quartier. Notre premier réflexe a été de relier les quartiers entre eux, les faire se parler, comme une pièce de théâtre et regarder ce qu’il pourrait se produire… Ainsi, il s’agit avant tout d’un projet-processus autour d’un espace public central permettant de constituer progressivement un territoire de projet, reconnu par ses acteurs et habitants, un lieu appropriable doté d’aptitudes durables : développement des échanges et des possibles, production de valeurs ajoutées locales sur le long terme (initiatives locales, synergie entre les différentes productions économiques, circuits courts, mutualisation).
Le processus comprend des « conditions minimales » (relier, qualifier), accompagnées d’un organe de gouvernance adapté -l’Atelier du Métacentre- permettant la définition « d’actions leviers ». L’Atelier articule l’échelle de l’agglomération, du métacentre et de l’individu et assure ainsi les bases d’une gestion durable du territoire en offrant la possibilité de confronter différents acteurs, même atypiques (associations d’habitants, artisans, agriculteurs, commercialisateurs, solariste, artistes, enfants) et de mettre en regard les temporalités et les opportunités urbaines.
6- Est-ce la première fois que vous êtes primé à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?
Il s’agit, pour la plupart, d’une première participation à Europan. Gagner Europan a servi de déclencheur et a donné lieu à la consolidation de Chuck. Cela nous conforte dans l’idée qu’il est aujourd’hui nécessaire de créer des collaborations et des méthodes permettant d’accompagner les villes et la transformation de territoires toujours plus complexes.
Chuck concrétise une envie ancienne d’investir certains champs aujourd’hui en marge de la pratique opérationnelle de l’urbanisme : tourisme, urbanisme rural, emploi, suburbs… Ces notions prospectives correspondent à la philosophie du concours Europan qui depuis quelques années s’emploie à ancrer davantage les thématiques urbaines à leurs territoires de projet.
La variété des profils et des parcours autour de Chuck -regroupement d’agences d’architecture d’urbanisme et de paysage et de compétences en graphisme et en photographie- nous offre une capacité d’adaptation et une richesse de prospection qui stimule notre volonté de poursuivre dans la dynamique d’Europan avec les acteurs de la vie de Saint-Herblain. Puis nous donne l’envie de se rassembler de nouveau et d’élargir nos expériences avec de nouvelles villes et autour de nouvelles histoires.