Œcumene
Kriens (CH) - Mentionné
DONNÉES DE L’ÉQUIPE
Représentant d’équipe : Camille Cochet (FR) – architecte
Associés: Clément Boitel (FR), Florent Girelli (FR) – architectes
Genève (CH)
+41 (0)78 647 25 74 – cochet.camille@gmail.com
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C. Boitel, C. Cochet et F. Girelli
INTERVIEW
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1. Comment s'est constituée votre équipe à l'occasion du concours ?
Dès nos études, sans le savoir, nous partagions quelques connaissances communes entre les écoles de Paris Belleville et La Villette. Notre dénominateur social commun étant notre amie et confrère Alexandra : une camarade, une collègue et également compagne de Camille. Puis, le hasard a fait que nous nous sommes tous sucessivement retrouvés durant la même année à Genève pour débuter ou poursuivre notre carrière à nos postes respectifs. C’est là que nous avons commencé à nous fréquenter et partager diverses affinités – dont architecturales. L’idée de participer à un concours ensemble semblait naturelle, mais elle s’est confirmée lorsque Camille nous a annoncé qu’il avait procédé à l’inscription - sans nous l’avoir dit !
2. Quelle est la problématique principale du projet et comment avez-vous répondu à la question centrale de la session : la place des activités productives au sein de la ville ?
Sur le plan territorial, nous croyons à l’histoire et l’héritage du sol comme élément d’ancrage urbain et paysagé. D’autre part, la question du lieu doit se résoudre - en mesure adéquat - à cette notion de substrat pré-existant, comme son ADN. Si, comme le stipule le programme ici, l’objectif est d’implanter de l’habitat et des équipements comme moteur de régénération (par l’actionnariat privé), l’enjeu est de les structurer autour d’espaces partagés et/ou publics - souvent absents du territoire industriel. C’est ce que nous avons mis en place en utilisant d’anciens tracés ferroviaires présents sur site pour délimiter des zones publiques ou privées. Ce qui peut se résumer à la création d’un parcellaire. Sur la plan architectural, malgré nos origines universitaires, nous ne voulions pas présenter d’image figeante de la proposition. C’est pourquoi nous n’avons produit que quelques vues suggestives dans notre rendu. C’est un travail de communication qui illustre un possible. En effet, nous tentons de rester lucides sur la portée de notre proposition et son réel potentiel d’action. Ici, nous élaborons le mode d’appropriation urbain d’une zone de propriété privée par une institution publique, la commune de Kriens. C’est dans ce schéma d’intégration que nous pensons mettre en place un projet pérène. Il s’agit de définir les conditions d’un phasage qui va de l’usine privée enclavée à l’espace public varié comme préfiguration d’un nouveau cadastre où prendraient place de nouveaux propriétaires fonciers ou de nouvelles activités productives – dans les parcelles dédiées.
En synthèse, la question à laquelle répond notre proposition serait : Comment offrir la zone d’Andritz, enclavée depuis un siècle et fondatrice de l’ère moderne de la ville, en retour à Kriens ?
3. Comment la problématique et les questions posées par la mutation du site se sont-elles croisées ?
En réalité, d’un point de vue méthodologique, nous partageons l’idée que c’est de la réponse à la problématique que naîtra le projet. Et que la problématique doit synthétiser les questions posées par le site et le programme afin de définir les conditions de la mutation urbaine choisie. Si l’on considère la réponse comme le processus de projet, alors elle doit soulager l’ensemble du faisceau de questions ou d’intentions. Or, dans notre problématique apparaît clairement une notion que nous pouvons considérer comme fragile qui est celle de l’identité. Elle apparaît d’autant plus fragile à Kriens que ce lieu est inconnu, fermé et donc inaccessible aux habitants – futurs usagers de la zone mutée. C’est dans ce cas un inventaire et une archéologie strictes et rigoureux du lieu comme base de dessin qui lie le site et la problématique par le projet : le passé et le futur de l’espace à traiter.
4. Avez-vous déjà traité cette problématique précédemment ? Quels ont été les projets références pour le vôtre ?
Que ce soit en agence ou à l’école, nous avions tous trois nos expériences respectives à faire valloir autour de ce type de probématiques de mutations urbaines. C’est d’ailleurs pour nous un des éléments séduisants de ce concours. Comme étudiant, Florent a travaillé la majeure partie de son master et de son diplôme sur ce type de situation spatiale – soit en enclave, soit en confin. En qualité de praticien, Clément a eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises lors de concours sur ces sujets. Camille quant à lui, jouit d’une culture urbaine et historique importante glanée pendant ces années de formation universitaires ou autodidactes – soit en studio, soit en voyage.
Nous avons profité du contexte inhérant à la forme du concours ouvert Europan afin d’engager un dialogue théorique sur le cas de Kriens. Puis, de mettre en pratique un certain nombre de notions et outils qui nous semblaient opérationnels dans le cadre de ce projet de réappropriation à l’échelle urbaine.
En termes de références, des visions fortes comme celle d’ Alexandre Chemetoff (1950- ) et Jean- Louis Berthomieu (1953- ) à l’Île de Nantes (1999) font clairement parti de notre culture commune. Cette démarche d’inventaire exhaustif du site incarne la volonté d’enracinement dans la force de l’identité. Elle donne du sens et du temps au processus de reconquête urbaine de la zone concernée. Cependant, comme groupe d’amis, nous aimons échanger au-delà de l’Architecture. Ainsi en peinture, sur la question de l’espace public et du paysage, le XVIIème et XVIIIème siècles - de l’école flamande au védutisme - on trouve un patrimoine intemporel.
Des oeuvres de Jacob van Ruisdael (1628-1682), Pietre de Hooch (1629-1684/94) Réception musicale dans une cour (1677), Johannes Vermeer (1632-1675), ou Canaletto (1697-1768) peuvent être redécouvertes sans cesse et constituent de fait une source intarissable d’inspiration. Sur le thème de la réminiscence ou de la trace, on peut se réfèrer aussi à des travaux plus contemporains.
On peut mettre en avant Martino Pedrozzi (1971- ) : Recompositions à Val Malvaglia (2000) dans le Tessin, Suisse (3). Il s’agit d’un travail aussi méticuleux que respectueux du vernaculaire, à la frontière entre land art, sculpture et architecture patrimoniale. Cela consiste consiste à réarranger des ruines d’abris de pierres tombées dans leur périmètre d'origine. Cette reconstruction protège le paysage en rétablissant des gabarits comme points de référence sur le territoire, en restaurant l'espace public de ce lieu. Toutes ces références nous rassemblent et font parties de notre imaginaire commun. Qu’elles soient de prime abord proches ou lointaines du sujet abordé, ce qui compte pour nous c’est qu’elles soient interprétables à l’infini. C’est leur caractère iconographique qui les rend permanentes.
5. Les projets urbano-architecturaux de type Europan ne peuvent se réaliser que dans une relation aux acteurs à travers un processus négocié et dans le temps. De quelle manière avez-vous intégré cette question dans votre projet ?
L’aspect consulattif - et éventuellement participatif – de notre projet s’illustre par une grille de critères d’intentions et de principes spatiaux. Ce sont des paramètres garants de la qualité des futurs lieux. Pour autant, ils ne les formalisent pas. Ils sont là pour être utilisés comme une boîte à outils par les acteurs au cours du processus qui verra la Ville de Kriens tournée vers son avenir. C’était notre objectif. Proposer un support capable de résister au temps et au processus de fabrication de cette réhabilitation urbaine.
6. Est-ce la première fois que vous êtes primé(s) à Europan? De quelle manière cela peut-il vous aider dans votre parcours professionnel ?
Nous sommes ravis d’avoir été primés, d’autant plus que c’est effectivement la première fois première fois en tant qu'équipe, mais Clément a été primé lors de l’édition 12 sur le site de Ciney en Belgique. Toutefois, nous restons très occupés dans nos vies professionnelles actuelles. Nous avons pris contact avec les acteurs locaux afin d’imaginer une éventuelle suite. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous attendons leur réponse en espérant pouvoir connaître une suite concrète de notre proposition.