DE NOUVEAUX TYPES URBAINS
À D'AUTRES MANIÈRES DE FAIRE
Chris Younès (FR) / Céline Bodart (BE)
Chris Younes, philosophe, anthropologue, chercheuse, professeure et membre du comité scientifique d’Europan
Céline Bodart, architecte, chercheuse, professeure et membre du comité technique d’Europan
Les auteures mettent en relief comment ces dernières années, Europan a encouragé les concurrents à imaginer et expérimenter de nouvelles manières de produire l'urbain, de faire milieu, et donc aussi de nouvelles manières d’être architecte, urbaniste, paysagiste, convoquant les responsabilités éthiques et politiques des concepteurs.
Cet article est extrait de l’ouvrage Villes et architectures en débat, publié par Europan France à l’occasion des 30 ans d’Europan en 2019
De nouveaux types urbains à d'autres manières de faire
... Ces dernières années, Europan a dédoublé les enjeux jusqu'ici portés par sa recherche de nouveaux types d'espaces urbains en encourageant désormais les concurrent.e.s à imaginer et expérimenter d'autres manières de les fabriquer. De nouvelles manières de produire l'urbain, de faire milieu, et donc aussi de nouvelles manières d'être architecte, urbaniste, paysagiste. Cette réactualisation récente des enjeux thématiques proposés par Europan convoque les responsabilités éthiques des concepteurs et conceptrices, tout en les invitant aussi à « se réapproprier la question politique, insister sur la dimension politique de toutes les décisions, sur le pouvoir du politique, que ce soit au sens du pouvoir socio-économique, la chose citoyenne qui part d'initiative sur le terrain, mais aussi du politique lui-même qui a la charge de prendre des décisions pour l'intérêt collectif » (F.Bonnet, 2013). La nécessité d'un tel réengagement éthique et socio-politique des pratiques urbaines et architecturales se fait particulièrement ressentir dans la session 13 d'Europan, « Villes adaptables 2 »
Voir le processus complet d’Un rêve urbain : ici
Voir le projet-processus Bondy’s’count : ici
D'une part, comme le fait remarquer Fabien Gantois (lauréat E8 et expert pour Europan France), « lorsque les villes se tournent vers Europan, elles manifestent une demande d'innovation et d'expérimentation, conscientes que les méthodes classiques usées ne peuvent pleinement répondre aux problématiques urbaines qu'elles rencontrent ». Mais si l'importance accordée aux processus fait figure de séduisante alternative, sa mise en situation et expérimentation demande d'accepter une certaine prise de risque, devant être partagée par toutes et tous : « les thématiques de recherche portées par Europan (...) n'appellent pas qu'à des innovations formelles de la part des architectes-urbanistes. Elles impliquent une mutation des modes de production de l'urbain ; cette mutation appelant à son tour les villes à repenser le cadre de leur fonctionnement car elles ne reçoivent pas des projets clé en main : l'innovation nécessite de repenser la "chaîne de fabrication" » (F.Gantois, 2017). Le désir d'alternatif doit remettre chacun.e au travail de ses habitudes de faire et de penser ; toutes les fonctions et compétences engagées dans le projet doivent pouvoir prendre part à l'invention d'autres manières de transformer les milieux urbains. En ce sens, si le projet-processus expérimenté par Europan est identifié par les villes comme une promesse d'alternatives plurielles et possibles, celles qui se lancent dans l'aventure doivent aussi y engager leur propre effort d'invention. Les conditions de réalisation d'un projet-processus reposent sur un effort partagé, brouillant au passage la traditionnelle répartition des rôles entre maître d'ouvrage et maître d'œuvre, déplaçant leurs rapports de prestation vers de nouvelles formes de coopération créative.
D'autre part, considérant qu' « un projet urbain n'est pas un plan, aussi intéressant soit-il, mais une histoire urbaine à compléter ou à faire naître et à accompagner dans la durée », Claire Schorter (experte pour Europan France) affirme que, « Europan, en distinguant des démarches plutôt que des plans, a contribué à faire avancer les modes de fabrique de la ville ». Elle reconnaît que cette notion de « processus » peut sembler quelque peu « banale » aujourd'hui, mais il faut toutefois se rappeler que « ce n'était pourtant pas le cas au début des années 2000 où les projets urbains restaient très dessinés, figés ». Cette conception du projet comme stratégie spatio-temporelle a transformé la culture urbaine et architecturale contemporaine, au point où « cet acquis est parfaitement intégré par les jeunes générations pour qui il est naturel de réfléchir en termes de processus, de débattre et de négocier avec les maîtres d'ouvrage et les habitants » (C.Schorter, 2017). Mais même si ces architectes et urbanistes s'avèrent être imprégné.e.s de cette nouvelle culture projectuelle, cela n'en reste pas moins un véritable défi pour celles et ceux qui s'y essayent dans le cadre du concours. Cette autre manière de faire du projet introduit de nouveaux types de questions : quels types de représentation ? Quels types de document pour décrire, définir et toujours traduire en termes d'espaces potentiels ces dynamiques particulières de projet ?
Voir les 3 projets-processus à Goussainville : Vieux Pays - Nouvelle étape / Des ailes et des racines / BASE VIE
Voir le projet-processus Terres vives, les nouveaux communaux : ici