Débat 2 - Les processus Europan : Innovations dans la fabrication de la ville ?
Forum des Sites - Malmö (SE) - Débat 2
Moderateurs :
Carlos Arroyo membre du Conseil scientifique d’Europan
architecte, urbaniste, professeur (Madrid, ES)
Bernd Vlay membre de la Commission technique d’Europan
architecte, urbaniste, Secrétaire général d’Europan Österreich (Vienne, AT)
Carlos Arroyo : Comment introduire l’innovation dans les mutations de nos villes et quels types de processus et protocoles pouvons-nous créer pour y parvenir? Dans le premier débat sur les thèmes d’Europan, il a été mis l’accent sur l’importance de prendre en compte les idées des représentants de sites, car de nouveaux besoins se développent dans les villes européennes; les populations et les modes de vie ont changé; il y a un cadre économique différent, qui requiert de l’innovation dans les espaces. Mais les nouvelles idées ont tendance à entrer en conflit avec les réseaux de pratiques anciennes et avec la façon dont les choses sont faites d’habitude. Ces nouvelles idées doivent donc être réalisées en introduisant un élément d’innovation dans le processus lui-même.
Beaucoup de stratégies proposées par les concurrents à Europan ne sont pas seulement formelles et mettent en avant des lignes du temps, des façons de travailler dans les processus de réalisation et des façons dont un projet peut se générer après le concours. Les équipes primées proposent donc des processus vue du point de vue des jeunes architectes et professionnels du projet urbain. On peut parfois voir parfois, des propositions lauréates qui ne ressemblent pas à des projets d’architecture traditionnels : elles se présentent sous la forme de brochures, prêtes à être coupées et encadrées, où figure une information sur la façon d’assembler les éléments, de discuter les choses et de quelles choses discuter, et sur l’évolution qui peut prendre place avec le temps; ou elles peuvent ressembler à des classements mettant en avant telle économie ou activité et comment ces activités économiques peuvent être introduites afin de proposer un développer dans le temps. L’idée de processus rentre bien dans celles de l’évolution et du changement à travers les saisons, et c’est très fort dans l’esprit des jeunes architectes pour l’instant.
Pour donner un exemple, à Kleines Dreieck (DE/CZ/PL), un territoire entre l’Allemagne, la République tchèque et la Pologne mis au concours pour Europan 10, l’équipe gagnante a mis en avant un programme informatique permettant de gérer l’information sur ce qui peut être pratiqué sur ce territoire, avec l’idée de relier trois noyaux faiblement peuplés de trois pays différents, avec trois cultures différentes. C’est un outil basé sur un effort commun de gérer l’imprévisible et l’événementiel, de penser à un cadre d’action qui puisse se développer dans des directions diverses, et selon les besoins du moment.
Dans cet esprit de projets stratégiques intégrant le temps, nous allons étudier certains exemples de réalisations qui présentent des grandes lignes sur la façon de réaliser ces processus. Nous avons divisé ces processus de réalisation en trois catégories d’impulsion : nous avons appelé la première les Recadreurs : il s’agit de projets à travers lesquels les outils de développement urbain existants sont abordés, mais avec un décalage, une façon différente de considérer les choses et les procédures. La seconde catégorie est appelée les Catalyseurs : il s’agit de développements au cours desquels une personne ou un élément joue un rôle important ou crucial. Enfin, nous avons les Nouveaux Collectifs : des processus de réalisations incorporant de nouveaux types d’organisations créés expressément afin de développer les idées et propositions de façon collective. Nous retrouvons principalement les Recadireurs dans les premières éditions d’Europan alors que les Nouveau Collectifs apparaissent plutôt dans les éditions plus récentes ; les Catalyseurs se situent entre les deux. Il existe donc une certaine chronologie, une certaine évolution dans la façon dont les choses sont réalisées au cours des sessions Europan.
-1- Recadreurs
Carlos Arroyo : Afin d’illustrer la première catégorie, commençons par le site de Europan 6 à Toledo (ES) une grande zone comparable en taille au centre historique de la ville. La proposition se composait d’un éventail de règles sur la façon d’utiliser les espaces disponibles de différentes manières afin que ces espaces puissent être développés dans le temps en fonction des différents besoins. Le modèle n’était pas formel, mais plutôt une simulation de la façon dont les différents types de volumes et structures pouvaient être mis en place à cet endroit. Il y avait une ligne directrice sur la façon de gérer l’imprévu dans la structure de l’habitat lui-même, avec des sortes de « bandes d’usages » qui pouvaient être recoupées ou adaptées aux différents usages, en fonction de la taille de la famille ou des personnes qui allaient habiter l’endroit. Ces appartements ou unités pouvaient évoluer avec leurs habitants réels, directement à partir des besoins des gens qui postulaient pour y vivre. Il s’agissait d’habitat subventionné dans cette région. L’idée ici était de composer avec les règlements existants : par exemple, il existait une procédure standardisée pour allouer des unités d’habitations sociales, procédures pour lesquelles les gens devaient remplir un certain formulaire avec un nombre de données spécifiques, telles que la composition familiale, pour ensuite passer par un vote et il se pouvait que les personnes qui ont demandé un logement et le logement existant ne correspondent pas. Il pouvait arriver qu’un parent célibataire par exemple ne dispose pas de logement, ou dispose d’un logement, mais inapproprié en taille. Et il avait été demandé de consulter ces formulaires avant d’établir la partition et de décider de la taille des appartements afin qu’avec cette information, les besoins individuels des personnes puissent être prises en compte, tout en gardant en tête, évidemment, que la structure soit assez adaptable dans le temps pour des changements « naturels » d’unités. Les types de procédures légales en cours étaient donc utilisés dans ce projet, mais d’une nouvelle manière, ce qui correspond à cette idée de « recadrage ».
Bernd Vlay : Le deuxième exemple concerne la ville française de Saintes, pour Europan 3. Le site est situé dans le centre-ville, dans le tissu densifié de la ville. Il existe évidemment de nombreuses contraintes pour les villes qui souhaitent régénérer ou revitaliser leur centre urbain. Et le site du concours était constitué d’un gros îlot à rénover en partie dans une zone classée pour son patrimoine. Le projet lauréat proposait de renforcer les limites de ce bloc, en rehabiliatant l’existant mais aussi grâce à de nouveaux bâtiments rattachés aux limites externes ; mais le projet proposait aussi de construire des habitats individuels à l’intérieur même de l’îlot. Mais cette mutation devait respecter les contraintes en matière, par exemple, de préservation des structures telles que les murs et les passages intérieurs. Il s’agissait également de savoir comment rendre ce bloc poreux et le souci principal était de mettre en place ce changement de l’existant au nouveau sans passer par les moyens habituels. L’opération a duré 5 ans pour avoir le contrôle du sol parce que le maire a décidé de ne pas expulser les habitants de force, mais plutôt de négocier avec les voisins afin d’opérer ce changement de manière douce. Ce qui a évidemment totalement modifié l’adaptabilité du site ainsi que son intégration dans la ville, et la portée du projet a été totalement modifiée en comparaison des outils classiques d’expropriation des habitants.
Un autre projet a été mis en place à Saintes, suite pour Europan 10. Le site est un ancien hôpital, présent depuis des centaines d’années comme une sorte d’enclave dans la ville, mais très proche du centre; et la question était d’ouvrir cette zone et de l’intégrer dans le tissu de la ville. La question ne portait pas sur l’organisation intérieure du bâti, mais sur l’organisation des espaces urbains autour des espaces non construits, des espaces publics et le tissu collectif de la ville : comment les lignes de visibilité relient les différentes zones entre elles, sur la façon dont l’espace public et le réseau urbain pouvaient être atteints. Même si l’équipe lauréate a effectué le masterplan du projet à réaliser, de l’espace public et de la façon d’intégrer la nature dans la ville et les espaces verts, la question est comment réaliser cela? Parce que tout le monde sait qu’il y a beaucoup d’argent pour l’espace bâti et les constructions, mais il y en a rarement pour le paysage. Une des missions d’Europan est d’activer les ressources à la hauteur des ambitions afin de créer des espaces publics de qualité, et de les intégrer dans le concept même de la réalisation. La créativité n’est donc pas le privilège de l’architecte, mais dépend également, et de façon décisive, des municipalités qui deviennent partenaires. Afin de créer une sorte de vision politique du projet à intégrer comme nouveau futur de la ville de Saintes, il était important qu’une sorte de stratégie publique accompagne le concours Europan. Dans cet esprit, la Ville a ouvert un lieu à travers lequel elle a accompagné le projet, créé un documentaire en parallèle au concours Europan afin d’informer les habitants de ce qui allait pouvoir se développer là au regard du concours; ensuite, lorsque le concours s’est terminé, la Ville a également utilisé cet endroit pour présenter les lauréats aux habitants, lauréats qui ont pu présenter leur concept et le masterplan. Il y donc eu une forte implication politique qui a été créée avec l’architecture et le plan urbain en parallèle au développement du projet.
Carlos Arroyo : Il y a un autre exemple, à Trondheim (NO), pour Europan 9. La demande portait sur des logements d’étudiants, incluant des espaces communs et partagés. L’a conception du rez-de-chaussée avec les espaces partagés par les étudiants est particulièrement pertinente, comportant peu de partitions, et son utilisation est associée à la vie commune dans le temps étudiant. La bâtiment a été nominé pour le prix national d’architecture en Norvège et le point principal ici est que, malgré le fait qu’il s’agit d’un programme relativement standard, la façon dont il est géré considère le bâtiment comme une sorte de « petit parlement » de 116 personnes, les étudiants, qui décident de ce qu’il y a à faire, des activités à organiser au rez-de-chaussée, dans une approche d’autogestion et dans un espace partagé qui ressemble à une grande cuisine. Il y a également un espace d’étude, un espace d’échange ainsi que des protocoles de promotion ou de proposition d’activités à travers les réseaux sociaux. Les étudiants qui y résident se sont déjà bien appropriés l’utilisation du bâtiment, et ils en sont, semble-t-il, ravis.
Il s’agit donc ici de quelques exemples de la façon dont un type existant de méthode de développement d’une partie de la ville peut être adapté pour introduire de nouvelles idées.
Bernd Vlay : Après ces quelques exemples d’anciens processus de réalisations Europan en lien avec le thème des Recadreurs, ouvrons la discussion avec les représentants de sites d’Europan 12 en leur demandant comment ils imaginent innover à travers les processus qui résulteront du concours. Je voudrais commencer par demander à M. Peter Hafner, représentant de Nürnberg (DE), de nous parler de sa précédente participation à Europan 10, où il a été impliqué dans le processus de réalisation. Il y a eu une initiative intéressante avec la mise en place d’une sorte de bureau ouvert, dans lequel les urbanistes ont été impliqués pour rencontrer les personnes de la municipalité locale afin de discuter du potentiel des équipes lauréates. Quelle en a été l’impulsion, quel était le concept derrière cette idée et comment a-t-elle abouti ?
Peter Hafner, Département de l’Urbanisme, Nürnberg (DE) :
Pour la première fois avec Europan 10, nous nous sommes posés la question de la participation et nous avons introduit alors un nouvel outil qu’on a appelé un bureau ouvert; bureau dans la mesure où l’on se situait bien dans un processus de planification, et ouvert parce qu’on voulait laisser la place à des questions ouvertes, à des réponses libres. Europan nous a beaucoup soutenus dans cette démarche. A l’issue du concours, nous n’avions pas une, mais trois équipes primées, et on s’est demandés comment gérer cette situation. C’est alors que nous avons créé ce bureau ouvert, invitant les architectes, mais aussi la population qui pouvaient discuter des avantages et des inconvénients des différents projets. Cette expérience a été très profitable et les retours ont été très bons et nous a également permis de développer un processus d’apprentissage. La première chose que l’on a apprise est qu’il est important de réaliser des plans bien compréhensibles par tous et sur lesquels on peut échanger facilement. Cela nécessite une grande préparation sur les contenus et beaucoup de travail dans la mise en forme et la représentation, mais c’est très profitable. Il faut que l’urbaniste soit présent aux côtés du politique pour représenter les projets et en contact avec les habitants pour bien répondre aux différentes interrogations par rapport aux projets. Je pense qu’à l’avenir, il faudra encore davantage inclure les habitants dans les processus de planification, car ce n’est pas la ville des experts que nous construisons, mais la ville des habitants. La participation permet aussi une prise au sérieux de ces questions par la population. Enfin, si l’on acepte ce jeu de la participation, il faut aussi être prêt à changer les projets initiaux en fonction des débats. Il est donc aussi important de déterminer à l’avance quels domaines sont ouverts à la discussion. Il y a en effet beaucoup d’éléments juridiques qui ne peuvent pas évoluer. Nous avons par la suite suivi cette démarche pour d’autres projets avec succès.
Berd Vlay : Intégrer les différentes personnes impliquées et les accompagner dans la transformation urbaine semble réellement être un processus qui porte ses fruits dans plusieurs sites. Regardons le site proposé à Aalborg (DK), il s’agit d’une large et dense zone résidentielle, avec beaucoup d’espaces publics abandonnés. Le cahier des charges demande une revitalisation de tout un district de la ville. La question est donc comment, dès aujourd’hui, intégrer des éléments d’information sur ce processus dans ce qui est demandé aux participants, et comment pourrait se développer une stratégie en parallèle au projet architectural et urbain, mais qui soit prête à intégrer les lauréats dans le processus de réalisation ? C’est une question importante, notamment pour des sites complexes qui doivent gérer un espace public et impliquer beaucoup d’acteurs et d’habitants. Je voudrais donc demander à Rie Malling, de la ville de Aalborg, si, au delà de votre ambition de rénover tout un quartier ancien à côté du port, vous envisagez déjà en amont un processus qui soit prêt à intégrer le projet Europan dans une logique de participation ?
Rie Malling, Responsable de projets, ville de Aalborg (DK) :
C’est une très bonne question et à ce jour, cette partie de la ville est intégrée dans notre réflexion sur le plan de municipalité. Nous travaillons avec des connexions plus larges du quartier avec son environnement, avec pour but de créer une vie et une ville agréable; ce sont là les thèmes pour cette zone. Beaucoup de choses s’y passent déjà. Nous sommes pour l’instant en dialogue avec différents acteurs ou investisseurs pour le futur et ils coopèrent dans un comité si bien qu’ils pourront obtenir le droit de développer cette zone. Et il y a ensuite également le niveau d’implication local, avec les habitants de la zone et la façon dont ils peuvent participer au développement. Mais cela sera étudié à la prochaine étape parce que le haut niveau stratégique peut parfois être difficile à saisir et c’est pas évident d’y impliquer directement les habitants, cela sera une seconde étape après la définition de la stratégie et du processus. Aujourd’hui, nous sommes conscients de la question de l’espace public, nous avons d’ailleurs lancé bon nombre de développement des espaces publics dans le centre ville et il y a beaucoup d’investissements à venir dans ces espaces publics donc, oui, cette façon stratégique d’envisager les espaces publics attire les investisseurs.
Bernd Vlay : Je voudrais poser une question à M. Jean-Marc Boéchat de la ville de Marly (CH) au sujet de problèmes mais aussi du potentiel du site, puisque dans votre cas, il est situé très clairement aux portes de la ville et pourrait être développé comme un projet d’excellence urbano-architecturale, être de grande qualité, et jouer un rôle important… une sorte de symbole à l’entrée de la ville. D’un autre côté, il s’agit d’une ville relativement petite, qui se développe le long de la route de Fribourg. Serait-il possible que le site initie un développement qui affecte dans le temps, à travers un développement graduel, l’identité même de la ville ? Et, étant donné qu’il s’agit d’une position véritablement stratégique, en connexion avec la campagne, peut-on envisager de réfléchir au processus à mettre en place ?
Jean-Marc Boéchat, Conseiller communal, Marly (CH) :
Effectivement cette aire d’une ancienne fabrique est en friche depuis 40 ans. C’est à l’entrée de la ville, donc ça ne fait pas très bonne impression ces bâtiments délabrés, et notre idée en participant à Europan, c’était d’obtenir à terme depuis l’extérieur de la ville une vision qui ne soit plus la « mauvaise » image actuelle. Donc il s’agit d’avoir des idées nouvelles, sur comment « catalyser » le développement de la ville autour de cet axe principal d’une façon différente que ce qui a été fait jusqu’à maintenant, puisque la géographie même nous oblige à le faire. Aujourd’hui, on se rend compte que les concepts de zoning qui ont prévalu pendant longtemps ont de la peine à vivre aujourd’hui, puisqu’on ne veut plus séparer les fonctions, ce n’est pas vraiment durable de séparer le travail des commerces et de l’habitation. Le site est entouré d’un quartier très populaire, et il faut donc aussi gérer les transitions. Marly est une cité essentiellement axée sur la voiture et elle fait partie de l’agglomération de Fribourg qui se développe d’une façon importante puisqu’on a aujourd’hui, sur l’agglomération, environ 70.000 habitants, même si la ville de Marly n’en compte que 8.000. Et d’ici 2030, il est prévu 32.000 habitants supplémentaires, ainsi que 17.000 emplois en plus. Les concepts classiques sur le développement d’une ville dont nous disposons sont absolument inutilisables pour accueillir cette population et ces emplois. Il nous faut donc aujourd’hui créer des concepts différents et, ensuite, les transposer dans la réalité et les faire accepter par tout le monde. Notre ville a une tradition d’aller vers les gens et on va introduire cette démarche d’échange et de participation aussi pour ce projet.
-2- Catalyseurs
Carlos Arroyo : Si le temps et le phasage sont très importants, le fait qu’une personne ou un agent suive le processus de développement est essentiel dans le succès d’une réalisation Europan. Ce médiateur peut être appelé un Catalyseur.
Dans le cas de Selb (DE), une « ville en rétrécissement » qui a participé aux deux dernières sessions Europan, c’est le responsable de la planification urbaine de la ville, Helmut Resch, qui a joué le rôle de catalyseur, de moteur pour assurer la continuité du projet vers les réalisations. Ce qui, lors de la phase de concours, n’était encore qu’une addition d’habitations pour personnes âgées, a été modifié lors de la phase de réalisation afin d’ajouter des programmes réservés à la jeunesse dans les quartiers existants, à l’échelle du domestique et de l’urbain. Et plusieurs projets ont été construits ou sont en cours de construction grâce à ce catalyseur, l’urbaniste de la ville qui réunit les différents acteurs, et de nouveaux usages ont été introduits à travers la participation. Il y a donc eu une série de rencontres avec les architectes, la ville, les utilisateurs… Ils ont utilisé des forces présentes dans le tissu urbain, des sessions de brainstorming pour voir ce qui pourrait être intéressant d’ajouter. Et ils se sont rendus compte, par exemple, qu’il y avait une demande potentielle pour un club des jeunes et une auberge de jeunesse, la nécessité de logements étudiants à cet endroit (il y a un institut d’éducation professionnelle). Mais les étudiants rentrant chez eux le weekend, ils ont rapproché le fait que parallèlement, une demande existe pour des logements, le temps d’un weekend, pour les personnes souhaitant profiter de la ville. Ils se sont donc dit qu’il pouvait réfléchir à une sorte d’unité bâti efficiente pour accueillir les étudiants pendant la semaine, et les touristes le temps d’un weekend. Ce type de synergie des forces ne peut être atteint que si l’on s’assoit autour d’une table avec un certain nombre de personnes. Le premier bâtiment à avoir été construit est une crèche, qui a récemment reçu le prix Baum Welt de la première construction.
Bernd Vlay : Le second exemple dans la famille des Catalyseurs est le projet de Spremberg (DE), pour lequel il est important de parler des personnes clés dans le processus, qui ont pu contrôler et dominer la réalisation de façon positive afin que les éléments habituellement difficiles à mettre en place puissent être réalisés. Il existe parfois des figures clés qui provoquent, initient et développent tout le processus. Et à l’instar de Helmut Resch dans l’exemple de Selb, ici, à Spremberg, ce sont deux personnes qui ont rendu le projet possible : le Maire et le Directeur de la planification de la ville. La seconde réalisation du projet primé sera une place devant la gare principale, ainsi que des modifications de celle-ci. Mais il n’y avait pas d’argent pour développer ce projet. Dans ce cas, on se dit généralement : « Très bien, nous avons fait Europan, mais on va en rester là et on recommencera une prochaine fois. » Mais ici, la compagnie des chemins de fer ne désirant ni développer le projet, ni coopérer activement dans le processus de développement, la ville a donc acheté la gare et a postulé pour une subvention Intereck, qu’elle a reçue et consacrée au financement du projet sans la compagnie des chemins de fer. Le projet a donc été possible grâce à l’intelligence de la ville dans la gestion du processus. Et il est très important de comprendre que parfois, la structure peut être une excuse au statu quo ; mais d’autres fois par contre, l’intelligence de certaines personnes peut amener le potentiel nécessaire pour que les choses se réalisent.
Carlos Arroyo : Nous avons nommé cette catégorie les Catalyseurs, en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un leader, mais bien d’une personne qui réunit les gens afin de parler, de discuter, de laisser les choses se réaliser… Ce n’est pas une figure dominatrice, mais plutôt un pôle d’attraction, quelqu’un qui réunit les acteurs afin de s’assurer que toutes les personnes impliquées ne perdent pas le projet de vue et travaillent ensemble, quelqu’un qui a de l’enthousiasme et de l’énergie, et qui marque le processus d’une certaine continuité.
Il y a également un autre exemple dans lequel nous voyons le processus à travers le temps, s’adaptant aux besoins changeants de la ville à mesure qu’elle grandit ; il y a dans ce cas une combinaison de catalyseurs, un architecte de la ville et le Maire. Il s’agit du projet lauréat de l’architecte cypriote Socrates Stratis, lauréat dans la ville d’Héraklion à Europan 4, sur l’île de Crète (GR), sur un site incorporant les anciens murs vénitiens. Grâce à un maire fort qui a pu compter sur deux financements européens, deux phases ont été construites et une troisième s’est terminée fin de l’année passée. Lors du concours, la difficulté de ce site était de préserver les murs monumentaux, il fallait s’adapter à la circulation et au trafic sur place, pour ensuite permettre aux flux de piétons d’atteindre la mer, de l’autre côté, et d’inclure un certain nombre de programmes culturels, d’ouvrir un espace public nécessaire au milieu de ce tissu urbain très dense. Dans la première phase à réaliser, a été mise en place une stratégie intelligente de travail par couche et d’adaptation de celles-ci, avec des rampes ou des galeries montant ou descendant à travers les bâtiments, si bien que toutes ces différentes lignes de mouvement pouvaient vivre au sein du même espace et que les espaces intermédiaires pouvaient être utilisés pour inclure des éléments de programme culturel. Lors de la seconde phase, en 2008, une construction a été érigée, avec un système de rampes afin de permettre un accès à la mer depuis la ville, ainsi qu’un espace public en hauteur, proche des voitures, mais un large espace ouvert superposé à la zone monumentale. Ce n’est pas un trottoir, mais plutôt une plateforme le long de la ligne de trafic. Et lors de la troisième phase, la route est traversée par un pont piéton qui relie la ville à un des bastions des murs vénitiens.
Socrates Stratis, lauréat à Héraklion (GR) E4, Membre du Conseil scientifique Europan :
Le processus à Héraklion est très long, puisque 17 ans nous sépare du concours. Je crois que l’élément important, c’est une sorte de stabilité et la présence d’une figure qui reste le long du processus, si bien que vous pouvez continuellement recevoir le support de cette personne, mais il est très important que vous réalisiez que le design, c’est de la politique, et cela demande de la diplomatie. Avec le Maire, premièrement, nous nous sommes rendus compte très rapidement que notre projet était utilisé comme un outil politique afin d’atteindre certains buts, mais, ce qui était encore plus intéressant pour nous, c’est que le design en lui-même formulait des intentions politiques au sujet des questions urbaines de la ville. Nous sommes donc devenus des acteurs impliqués qui conseillaient le Maire de façon indirecte. Nous nous sommes ensuite rendus compte qu’en Grèce, l’espace public est une sorte d’institution très flexible, qui n’est pas autant contrôlée que dans les autres pays de l’Ouest de l’Europe, ce qui dans notre cas, était autant positif que négatif : positif, parce que nous pouvions naviguer et développer nos propres règles ; et négatif parce que cela demandait beaucoup d’énergie. Je pense que c’est très important et cela revient à ce que Chris Younès disait précédemment : nous apprenons une façon de co-habiter avec l’inconnu. Je pense que le Maire nous a utilisé parce que je suis de Chypre, et non pas de Grèce. La Crète est une région de la Grèce évidemment, mais lorsque le maire nous a appelé pour la dernière phase, il a dit « la Crète n’est pas la Grèce », parce que la Grèce, à l’époque, était en faillite et il voulait, lui, lancer un nouveau projet, ce qui était paradoxal, et il était donc très intéressant pour lui à la fois de marquer la différence de la Crète mais aussi que les lauréats d’Europan puissent avoir un statut d’outsider. Cela signifie que les lauréats non locaux peuvent bénéficier d’une période de grâce pendant laquelle ils peuvent se permettre d’être « naïfs » par rapport aux histories locales, ils peuvent proposer des choses que les villes n’ont pas imaginées parce qu’elles pensaient que cela n’était pas possible.
De même, le fait de pouvoir également parfois créer des coalitions entre les acteurs, ainsi qu’une sorte de pouvoir avoir un rôle de conseil indirect auprès du maire, pour l’aider à réaliser des projets qui ne rentrent pas dans le cours logique du projet. Mais cette entente avec le maire nous a permis aussi de s’opposer avec son soutien au département technique de la ville. Je pense que nous avons donc pu nous y retrouver et que la proposition du concours, dès le départ, envisageait ce scénario de possibilité pour les espaces entre la ville et la mer, et cela nous a permis, en fait, de créer cette plateforme pour donner à la ville une sorte d’input, car elle a pu utiliser la première phase de réalisation du projet comme argument pour obtenir plus de fonds de l’Union Européenne. Le Maire s’est très vite rendu compte qu’il pouvait utiliser la réalisation du projet, ce qui n’est pas évident en Grèce, pour persuader, premièrement, l’État, et ensuite, l’Europe, que l’argent était utilisé à bon escient. De cette manière, petit à petit, il a réalisé un projet de grande envergure à l’échelle de la ville.
Bernd Vlay : Je voudrais maintenant demander à M. Niek Verdonk d’Assen (NL) s’il pouvait réagir sur cette notion de catalyseur. Vous connaissez déjà un peu Europan pour y avoir participé à deux reprises avec la ville de Groningen, et avec une réalisation réussie, et vous représentez aujourd’hui la ville d’Assen. Vous n’avez donc plus d’appréhension par rapport à Europan après ces deux participations, ce qui est positif! Vous apportez également une certaine expérience au sein de ce Forum que nous voudrions maintenant exploiter pour la discussion, étant donné qu’à Assen, le cahier des charges pour la zone du port, mentionne: « Nous ne voulons pas travailler avec un masterplan, cette façon de travailler ne nous intéresse pas, nous voulons démarrer un processus différent dans la zone du port qui constitue le site Europan. » Nous voudrions savoir si vous vous voyez comme une figure clé, une sorte de médiateur pour ce processus, médiateur qui possède aujourd’hui assez d’expérience pour le diriger, ou si une agence est derrière ça, de la façon que nous avons déjà vue, une personne derrière le processus.
Niek Verdonk, Superviseur du projet ‘Florijnas’, Assen (NL) :
Aux Pays-Bas, le temps du masterplan est terminé. Nous disposons de beaucoup d’hectares de terres vacantes aujourd’hui et nous avons tellement de grandes idées pour ces terrains, et nous sommes très fiers de toutes ces supers idées de Rem Koolhaas, mais celles-ci ne sont jamais réalisées. La ville d’Assen, aujourd’hui, veut travailler de façon différente, elle veut que plus de gens habitent le centre-ville et régénérer cette ancienne zone industrielle, ce qui, en ces temps, est un processus très courageux et nous ne savons pas encore ce qui en ressortira. La ville a d’ores et déjà bien financé la première phase du projet, une sorte de besoin de renforcer la première phase, mais nous ne savons pas ce qui ressortira de la deuxième phase. Si bien que pour nos deux sites, nous voudrions plutôt demander une stratégie et non une utopie qui ne sera pas construite.
Bernd Vlay : Nous avons également des sites, pour cette session, où le masterplan est la raison pour laquelle les villes se sont tournées vers Europan; le masterplan, par exemple, de Haninge (SE). Il s’agit d’une grande zone commerciale très marquée années ’70, avec une planification urbaine moderniste, et nous avions l’impression, en lisant le cahier de charges, que c’était très radical de vouloir réviser complètement le masterplan original en ouvrant ce centre commercial et en retournant toute la logique de Haninge, complètement basée sur la voiture, pour créer un espace local à mobilité douce, diminuer le mouvement et complètement transformer l’endroit. Nous voulions donc demander à M. Henrik Lundberg s’il considère comme un position radicale le fait de décomposer complètement le masterplan de cette manière.
Henrik Lundberg, Architecte de la ville de Haninge (SE) :
Nous voulons créer un ville avec une plus grande densité, une ville traditionnelle avec des maisons, des magasins le long des rues, au niveau des trottoirs, et des appartements au-dessus des magasins. Il s’agit donc d’une question plus large, où nous voulons créer une ville avec moins de mouvements de voitures, afin, au final, de développer une ville plus respectueuse de l’environnement, et la ville nous demande d’engager ce changement. Et nous, les architectes de la communauté, qui réalisons le masterplan, nous voulons développer notre ville pour une vie comme en trouve dans les villes normales qui n’ont pas été créé ex nihilo. Les exemples de réalisations Europan étaient à ce sujet très intéressants sur cette question qui nous intéresse car nous avons beaucoup de propriétaires différents et nous ne connaissons pas encore la stratégie à adopter.
Carlos Arroyo : Je voulais également interroger Mme Petra Lüdtke de Wittenberge (DE), qui est ce qu’on appelle une « ville en rétrécissement », pour savoir si vous aviez une idée du processus et des outils possibles pour freiner ce déclin, quelque chose que vous auriez observé dans d’autres exemples de villes en déclin en Allemagne, peut-être à travers Europan ou d’autres exemples que vous avez vus. Une ville « en rétrécissement » est une ville dont la population décroît ou vieillit, comme c’était le cas de Selb. Je me souviens, il y a 5 ou 6 ans de cela, lors d’un forum Europan, il y avait des personnes de villes allemandes en déclin et d’autres de villes européennes qui construisaient à tours de bras et lorsqu’elles se rencontraient, c’était une grosse surprise mutuelle ; d’un côté, les uns se disaient : « Ah bon ? Des villes en déclin ?! », et de l’autre, on disait : « Ah bon ? Des villes qui construisent ?! » Et le forum est devenu une plateforme d’échange d’information sur la façon dont les choses étaient gérées.
Petra Lüdtke, Responsable du Département de l’Urbanisme, Wittenberge (DE) :
Pour nous, c’est en effet une grosse opportunité notre participation à Europan pour glaner de nouvelles idées. Il ne s’agit plus maintenant de développer un grand plan général établi en un court laps de temps, mais au contraire d’initier dans notre région, en déterminant les potentiels, des développements de processus. C’est une région qui depuis les années 1990 a évolué, avec d’anciens bâtiments industriels réhabilités en lieux culturels, avec la mise en place de festival, la construction d’un hôtel. La ville de Selb a saisi plusieurs opportunités. Un chemin a été développé sur les berges et les professionnels, les acteurs publics et privés impliqués sur ce site attendent d’Europan encore de nouvelles idées. Il y a d’autres bâtiments dont on peut encore détourner l’usage pour le tourisme, mais il faut aussi réfléchir au développement de la ville sur le long terme et pour ses habitants.
-3- Nouveaux Collectifs
Carlos Arroyo : La troisième partie concerne des sites où sont mis en place de nouveaux types d’organisation, d’institutions, de groupes, voire même parfois d’installations artistiques, pour soulever la conscience d’une nouvelle possibilité, d’un nouveau futur pour certains de ces sites.
Dans le cas de Babenhausen (DE), le site du concours était une zone d’anciennes casernes, une base plutôt grande avec des anciens bâtiments présentant un certain intérêt historique, fermés par un clôture et séparé par une voie de chemin de fer, et donc invisible pour la ville. Si vous étiez militaire, vous saviez ce qui se passait sur la zone, mais si vous étiez un simple citoyen, vous ne saviez pas ce qui se passait derrière les murs de l’autre côté du chemin de fer. La proposition de la ville était de modifier l’utilisation de cette zone pour y introduire des petites industries non polluantes et des aspects culturels. Le projet lauréat proposait la création d’une sorte de noyau vert en utilisant certains des bâtiments existants et en proposant trois quartiers satellites autour de ce centre vert… En termes de paysage, ce projet est très intéressant, parce qu’ils ont déplacé les terres et le système de gestion de l’eau pour créer un paysage, si bien qu’ils utilisent tous les cycles naturels de la vie humaine pour créer une sorte de nature humaine au centre de la zone. Mais le problème était qu’il était difficile de connecter les deux parties de la ville dans l’imagination des habitants. Ce qu’ils ont fait alors, c’est une sorte d’intervention : ils ont organisé une marche avec les citoyens, d’un endroit jusqu’à l’autre, afin que les gens se rendent compte que seules 15 minutes de marche les séparaient de l’autre partie ; donc même si, dans l’imaginaire des habitants, la nouvelle zone était « en dehors » de la ville, elle était en fait très proche et cette marche est en quelque sorte devenue une façon de suivre le développement par étapes de cette partie de la ville, comme une promenade du soir pour aller voir ce qui se passe de l’autre côté, une façon de lier culturellement les deux parties. Ce type de marche pourrait être considéré comme une action artistique et, en même temps, comme une façon très efficace de visualiser ce qui va se passer, c’était une intervention collective très importante pour le projet et nous pourrons voir ce qui va se passer dans la ville à mesure que le projet se développe.
Un autre exemple est celui de Cáceres (ES). Il s’agit d’un héritage industriel, des mines, où il y a quelques bâtiments intéressants, des habitations originales de la période où les mines fonctionnaient encore, mais il y a eu beaucoup de pression autour de cet endroit et plusieurs choses se sont produites, même une pression immobilière contemporaine. Et une des principales matérialisations dans le développement du projet lauréat a été d’organiser une rencontre de toutes les personnes habitants cette zone, de les réunir autour d’une table pour apprendre à se connaître dans un premier temps, s’identifier, savoir qui ils étaient, quels étaient les différents intérêts sur cette zone ; il pouvait s’agir de personnes qui habitaient cette zone sans que cela soit connu, parce que les mines, bien qu’officiellement abandonnées, étaient en fait encore habitées. L’équipe lauréate a publié une série de documents et la communication est devenue l’instrument principal de développement du projet pour découvrir ce qu’il fallait faire, ce qui était en fait le projet du concours : une méthode ouverte sur la façon de relier les différents éléments. Et ils proposaient également ce qu’ils ont appelé des « installations » pour provoquer l’échange d’informations entre les gens. Au final, un outil de planification a été approuvé il y a deux mois pour continuer le développement et nous verrons alors ce qu’il adviendra.
Le prochain exemple se situe dans la ville de Norrköping (SE). Il y a là un urbanisme dur, héritage des dernières décennies, le type de planification qui pourrait ressembler à de nombreux développements des années ’60 et ’70. La proposition au concours Europan 11 a pris comme objet les lignes « faibles » qui traversent cet urbanisme dur. Nous avons donc un urbanisme doux qui s’infiltre au milieu d’un urbanisme dur. Et l’équipe lauréate a étudié ce qui se passait avec des éléments verts, ce qui se passait avec certaines masses, ou promenades, ou des gens qui traversent les espaces, et ils se sont rendus compte que malgré la géométrie très difficile de l’urbanisme dur, il existait une géométrie plus souple des personnes, allant d’un point A à un point B, et ils ont imaginé une nouvelle façon de diviser l’utilisation du terrain, défiant par là même la route surdimensionné et peu fréquentée par les voitures ; ils ont donc modifié la nature de la route en réinterprétant les répartitions et la gestion du terrain. Et cette proposition était subversive de deux façons : premièrement, la proposition lauréate ne s’est pas arrêtée au site du concours, mais elle a pensé qu’une autre zone était beaucoup plus importante; ensuite, pour réaliser le plan, ils ont utilisé des outils standards normalement utilisés pour une ville, ce qui était subversif dans la façon de concevoir le design. Il s’agit donc d’une carte de planification standard, ou de dessins de planification de n’importe quel plan de zoning dans une ville suédoise, avec des couleurs pour définir les usages, mais la proposition est subversive en ce qu’elle inclut une nouvelle répartition des espaces intermédiaires qui seraient développés spontanément par les personnes habitant la zone. Une petite partie a déjà été construite, la ville et l’équipe ont développé une structure test, un petit espace à ciel ouvert, une hutte à panneaux solaires pour récolter de l’énergie, pour voir comment cet urbanisme doux et léger peut fonctionner au sein d’un modèle très dense et comment cela devait être réalisé avec les habitants qui devraient développer les différentes répartitions. Nous avons donc là des exemples de nouvelles façons de travailler avec des groupes, avec une société ou une organisation plus large, et que nous avons appelées les Nouveaux Collectifs.
Erik Wingquist, ancien secrétaire d’Europan Sverige :
Je pense qu’on pourrait appliquer au projet de Norrköping tant le qualificatif de Catalyseur que celui de Nouveaux Collectifs, en pensant aux équipes, comment elles ont travailler, mais également dans leurs relations avec la municipalité. Et c’est pour cela que le projet devient intéressant. Norrköping est une ancienne ville industrielle qui a dû traverser un véritable changement structurel et qui est traversée en son centre par une rivière, avec de nombreux bâtiments industriels intéressants reconvertis, par exemple les bâtiments universitaires et d’autre. Et nous nous sommes dit qu’il pourrait être intéressant de travailler là. Mais lorsque nous avons rencontré la ville, elle nous a dit : « En termes de paysages industriels, nous savons comment gérer les choses, mais à Vilbergen, nous ne savons que faire. Il y a de grandes propriétés, c’est difficile d’y développer quelque chose, donc là, nous devons trouver quelque chose de nouveau, une nouvelle façon de penser. » Et la ville a été très active et engagée pendant toute la période, tant pour rédiger le cahier des charges que pour le développement du processus. Et c’est devenu un collectif assez intéressant, non seulement le groupe d’architectes, mais également les deux architectes de planification et l’architecte de la ville qui étaient vraiment impliqués dès le départ. Et nous avons également constaté que le Responsable du Département des Bâtiments de la ville était lui aussi très enthousiaste. Le projet lauréat n’a pas gagné pour ce qu’il était, mais plutôt pour ce qu’il pouvait être. Un an seulement s’est écoulé depuis le début de ce projet-ci, ce qui n’est pas beaucoup en matière de planification urbaine, et je suis vraiment impatient de voir la suite de ce processus, pour lequel j’ai beaucoup d’attentes.
Bernd Vlay : Il est important de comprendre qu’aujourd’hui, étant donné le manque récurrent d’outils de planification urbaine, il y a très souvent également un manque de moyens et d’instruments, mais aussi d’argent. Et la question est alors : il devrait y avoir assez d’argent pour le concours Europan, qui n’est pas trop cher, mais quid pour toute la procédure de réalisation ? Et les équipes participantes savent parfois déjà que sur un site, il y a un manque de moyens, auquel elles veulent faire face dans leur stratégie de projet, ce qui fait qu’il arrive qu’elles surprennent les villes avec un projet qui leur offre une nouvelle façon d’entamer le processus. Parfois, un projet ressemble beaucoup plus à un plan d’actions, permettant aux villes un démarrage en douceur avec peu de moyens ou des moyens différents qui devront être développés plus tard en cours de processus. Dans ce sens, ce groupe de lauréats est donc assez intéressant parce qu’il permet également que les sites avec une culture de planification qui est très différente, ou qui manque de cohérence, ou qui a souffert d’un manque de moyens, d’en arriver à des projets qui fonctionnent différemment, tant économiquement que tactiquement.
Dans ce contexte, je voudrais poser une question à Mme Uta Schneider, de Regionale 2016 (DE). La Regionale est une sorte d’initiative qui cherche à promouvoir des éléments culturels et c’est intéressant qu’elle participe cette année à Europan. Qu’attendez-vous du concours ? Parce que au vu du cahier de charges, il n’y a véritablement aucun site comme nous pourrions nous y attendre; nous voyons un milieu, une ambiance qui souffre d’un manque d’intensité, de restructuration, des habitations unifamiliales rencontrant des problèmes générationnels avec ses habitants du fait du vieillissement de la population. Il s’agit donc plus d’une question sociale au sein du tissu qui ne fonctionne plus vraiment et aujourd’hui, vous reliez ces trois zones distantes pour n’en faire qu’une, à présenter à Europan. Nous voudrions donc savoir comment vous considérez votre participation au concours.
Uta Schneider, Directrice générale, Regionale 2016 (DE) :
Effectivement, nous n’attendons certainement pas un projet architectural classique. A la Regionale, 35 communes travaillent ensemble pour réfléchir aux problèmes du futur. Un des problèmes importants qui concerne notre région est effectivement que nous sommes constitués d’une très grosse agglomération qui s’est développée dans les années ‘60 et ‘70 qui se trouve devant un changement de génération. Nous avons à faire à beaucoup de propriétaires et la question se pose dans ces régions des possibilités pour initier un renouvellement, une attractivité, une évolution qui à son tour, limite l’étalement de l’agglomération. Notre participation à Europan est pour nous une opportunité de trouver des solutions qui concernent l’Allemagne, voir l’Europe de manière générale. Il s’agit de laisser émerger des idées qui pourraient nous permettre d’évoluer. Ce sont certainement aussi des idées architecturales, mais que l’on puisse intégrer dans des processus sur le long terme. La Regionale est un outil de développement dans le temps. Nous sommes pour un temps actif pour l’ensemble de ces communes de trouver et développer de nouveaux processus pour le futur. On se sent responsables ici, avec les communes, les habitants et autres acteurs possibles pour trouver des solutions.
Bernd Vlay : Aujourd’hui, nous avons certains sites espagnols qui sont grands, mais n’ont pas de programme malgré leur importance dans le développement de la ville. Nous voudrions demander aux représentants de Urretxu-Irimo (ES) ce qu’il en est de leur implication dans Europan, parce que ce qui nous semble intéressant dans ce cas précis, c’est qu’il s’agit d’une structure industrielle qui est déjà réappropriée par les gens et il y a eu une sorte de micro processus d’appropriation par une partie d’entre eux de cette grande zone qui est aujourd’hui partiellement morte (les bâtiments sont abandonnés). Comment avez-vous donc approché Europan, comment y êtes-vous arrivés et pourquoi avez-vous demandé à collaborer et être partenaire d’Europan ?
Iñaki Mendizabal, architecte de la ville, Urretxu-Irimo (ES) :
Nous avons entamé le processus de participation il y a un mois et quand nous avons vu que cette année, Europan traitait de la ville adaptable, nous nous sommes dit que cela se rapprochait de nos ambitions pour ce site. Nous avons donc pensé qu’avec le processus participatif, nous pourrions récolter un très bon matériel pour les participants. Il y a deux façons principales de travailler sur notre site : d’un côté, nous avons un site qui est très stratégique, entre trois villes du Pays basque espagnol : Bilbao, San Sebastián et Vitoria, et il nous faut donc activer de nouvelles activités économiques ; et de l’autre, sur le site, nous devons également activer des architectures mineures afin que le site puisse offrir une nouvelle vision pour les gens. Nous travaillons donc à deux échelles, mais également sur des temps différents. Mais nous voulions entamer le processus de participation afin de récolter du matériel pour Europan. Nous avons des conditions environnementales très difficiles, les sols sont pollués, il y a également un chemin de fer le long du site, nous avons beaucoup de conditions différentes pour des usages différents. Nous nous demandons donc : « Comment pourrions-nous faire des petites interventions pour améliorer les conditions du site ? » Si bien que nous pourrions imaginer, à l’avenir, un véritable emplacement urbain, parce que le site est proche de la ville. C’est une petite ville, mais qui fonctionne à différentes échelles. Et donc avec ces petites interventions, comment pourrions-nous améliorer les conditions du site afin d’imaginer un véritable emplacement urbain, avec des espaces publics, des activités économiques, du logement, etc. ? Le mois dernier, nous avons eu un premier contact avec les différents acteurs économiques, culturels et sociaux. Nous avons organisé une journée d’information avec des conférences. Et la semaine prochaine nous organisons un workshop avec 40 personnes non seulement de la ville, mais également du gouvernement régional, qui est impliqué sur le site, et nous ne savons pas avec quel type de matériau on va ressortir, mais nous pouvons imaginer une sorte de carte ouverte avec les conflits, les opportunités et les conditions.
Carlos Arroyo : Ce qui est intéressant c’est qu’en termes de processus et de développement, vous dites donc que le processus a déjà commencé avant le lancement du concours, si bien qu’il est déjà lancé dans cette direction de participation. La question principale sera la façon de fournir la bonne information aux concurrents venant parfois de l’autre côté de l’Europe, afin qu’ils comprennent ce qui se passe là et qu’ils puissent proposer une vision fraîche sur les différents éléments. Il faut réfléchir à la façon dont le matériel est préparé parce que cela fait partie du projet, nous n’attendons qu’un projet arrive directement vers nous, nous entamons déjà un processus, nous sommes déjà en train de travailler dans la direction de ce processus et nous devons absolument nous assurer que les cahiers de charges soient rédigés correctement, avec les bonnes informations, s’ils impliquent une participation ou des personnes sur place. Je ne peux d’ailleurs que recommander chaudement le Catalogue des réalisations Europan dans lequel vous retrouverez des témoignages de représentants de villes et de personnes sur place, expliquant comment les réalisations se sont déroulées.